La réforme des professions réglementées était-elle devenue inévitable parce que c’est l’évolution naturelle de prestataires de services. Certains pensent que le démantèlement de ces professions va permettre d’offrir du pouvoir d’achat aux Français par la concurrence nouvellement introduite d’une part et d’autre part par l’application autoritaire du prix d’un certain nombre de prestations..
Il s’agit d’une erreur économique de penser que les atteintes à des prestataires de services offriront un supplément de pouvoir d’achat rogné par les augmentations successives des impôts. Le fait de baisser la rémunération d’un avocat en matière de divorce par l’application autoritaire d’un prix ne va pas avoir pour effet d’augmenter le nombre de divorces. Le fait de bloquer la rémunération d’un notaire en fixant un forfait quel que soit le montant de la transaction n’entraînera pas une augmentation des ventes dès lors que les candidats acquéreurs n’ont pas l’argent pour acheter.
En vérité, le motif du pouvoir d’achat est totalement fallacieux. Le phénomène qui touche aujourd’hui les professions réglementées a touché il y a plus de 10 ans d’autres professions moins bien organisées, plus individualistes que furent les ingénieurs informatiques. Ceux-ci se sont retrouvés à offrir leurs services au travers de sociétés de services en ingénierie informatique spécialisée en génie informatique. Ces sociétés sont spécialisées en services numériques répondant aux besoins d’externalisation des expertises, des services et des projets informatiques des directions informatiques des entreprises. C’est très exactement vers quoi tendent dans le domaine juridique les multiples propositions faites ces dernières semaines.
Il est nécessaire de refaire une lecture d’un certain nombre de propositions pour mieux comprendre la direction inexorablement prise. En s’intéressant à la profession d’avocat, nous allons pouvoir rendre compte de l’évolution probable et inéluctable de l’ensemble des professions réglementées. La profession d’avocat est organisée autour des barreaux près des Tribunaux de Grande Instance. Il a été mis en place des caisses des règlements pécuniaires des avocats appelées CARPA auprès de chaque barreau pour garantir la bonne représentation des fonds. Par ailleurs, chaque Avocat jouit d’un monopole de postulation auprès du Tribunal de Grande instance de son barreau.
Depuis la disparition des avoués près des cours d’appel, ce sont les avocats qui assument la responsabilité de la procédure devant la Cour d’Appel Or, cette organisation est remise en cause non seulement par le gouvernement mais aussi par certains membres de la profession. Il est envisagé la suppression de la postulation pour permettre à tout avocat soit sur le plan du ressort de la cour d’appel soit sur le plan national de pouvoir intervenir devant les tribunaux de grande instance autre que ce auprès desquels son barreau est inscrit. Par ailleurs, il est envisagé de regrouper les caisses de règlements pécuniaires sinon au stade national en tout cas à celui des cours d’appel. Ces deux mesures remettent en cause l’existence des barreaux sur le plan local. En ne contrôlant plus les caisses de règlements pécuniaires, ils perdent leur autonomie financière. En renonçant à la postulation auprès du Tribunal de Grande Instance, ils perdent leur identité locale. Mais il est vrai qu’en renonçant à leur pouvoir disciplinaire au profit d’une instance régionale, les barreaux ont déjà renoncé à exercer une fonction régalienne à savoir exercer la justice sur ses membres.
Par conséquent la perte de son autonomie financière n’est que la conséquence de ces premiers renoncements. Mais évidemment, les velléités identitaires de certaines régions telle que la Bretagne pourront être satisfaites par la mise en place d’un barreau de Bretagne ou d'une caisse de règlements pécuniaires de Bretagne. Ce passage du local au régional est d’autant plus possible par la mise en place du réseau virtuel de la profession d’avocat.
Mais ceci n’est qu’une étape. L’objectif de certains élus de cette profession est d’asseoir une autorité encore contestée par les barreaux périphériques. Tant qu’ils sont organisés, autonomes, ils représentent un contrepoids voire une menace. Lorsque la profession sera organisée sur le plan national par la disparition des barreaux au profit d’un barreau de France, la profession d’avocat sera dans l’impossibilité de résister à l’évolution irrésistible du marché des services. Du statut de professions réglementées, l’avocat ne sera plus qu’un prestataire de services comme un ingénieur qui vendra ses services à des sociétés spécialisées en génie juridique. On peut très bien imaginer qu’une entreprise, face à l’obligation d’élaborer un plan de licenciement économique, sollicitera des sociétés spécialisées en génie juridique pour avoir le concours pendant une période donnée d’un avocat. L’avantage est de discuter le coût horaire de la prestation qui est effectuée sur place. Il ne peut plus être opposé à l’entreprise des honoraires fixés en fonction des coûts de fonctionnement du cabinet (loyer, salaire etc.). Pour la gestion des coûts, il n’y a plus d’aléas. Quant aux entreprises qui souhaiteront avoir un avocat à demeure, elles pourront le salarier comme cela est proposé. Ceci sera d’autant plus rendu possible par l’affectation de certaines matières tel le droit de la famille qui est aujourd’hui l’apanage des avocats à des tiers comme le greffe ou le notaire puisqu’il ne s’agit plus que de problèmes financiers. On a permis de pouvoir divorcer d’un commun accord ou à la suite d’une séparation de deux ans, le seul litige qui subsiste n’est plus que financier. Même sur le plan financier, ma Chancellerie a même édité des barèmes de calcul de la prestation compensatoire ou de la pension des enfants. Ainsi, il n’y aura aucun obstacle à ce que les avocats renoncent à s’occuper de matière hors du commerce telle que le droit de la famille, perdant toute leur spécificité pour ne rester que de simples prestataires de services. De la même façon la proposition faite de substituer à la signification par huissier de justice des actes la simple notification par lettre recommandée répond de la même logique. Dès lors qu’on aura votre numéro de téléphone et une méthode d’identification oculaire ou autre, vous pourrez prendre connaissance de l’acte. Si on rapproche cette proposition avec le démarchage de la poste sur la lettre recommandée par Internet, on comprend mieux que derrière les propositions faites au nom du pouvoir d’achat se dissimulent des groupes financiers qui n’agissent que dans leur seul intérêt. La France compte 3.258 huissiers, la poste emploie plus de 300 000 personnes. Le choix est vite fait. Il y a quelques années, des groupes de la distribution ont réclamé de pouvoir embaucher des pharmaciens pour s’occuper d’un certain nombre de produits jusqu’alors vendus dans des officines. La suppression des avoués près des cours d’appel n’a pas eu pour effet de baisser le coût de la procédure bien au contraire puisque le timbre fiscal fixé jusqu’alors à 150 € autant pour l’appelant que pour l’intimé doit passer à 225 € à partir du 1er janvier 2015. Cette mesure, qui avait pour objet d’indemniser les avoués, sera prolongée de plusieurs dizaines d’années. En fait ces différentes mesures sont téléguidées par des groupes qui exercent déjà leur talent dans l’union européenne, qui, nous le savons, est très perméable aux lobbys. La libération des services comme des biens n’a jamais conduit à la baisse des prix. Il suffit de se reporter sur l’évolution du prix de l’électricité pour s’apercevoir que les hausses successives ont pour origine des procédures initiées par les concurrents de l’opérateur historique. La suppression des avoués a mis au chômage des milliers de personnes, employées dans ses études. L’organisation future des avocats et d’autres professions réglementées, aura pour conséquence la suppression des personnels travaillant dans les cabinets sans que cela n’ait le moindre effet sur les prix.
Nous ne pouvons qu’être amusés par l’aveuglement de nombre des avocats sur l’avenir de leur profession. En raison de sa diversité, certains diront sa disparité, la profession des avocats est dans l’incapacité de résister à ce phénomène. C’est ce qu’on appelle le darwinisme économique qui a pour effet que ceux qui ne peuvent s’adapter disparaissent. Après avoir prôné la création d’une profession d’avocat unique, cette politique va conduire à son éclatement. Il est amusant de constater que l’indépendance de l’avocat est une vue de l’esprit. Soit il exercera seul, il louera ses services à des sociétés spécialisées en génie juridique. Soit il exercera dans des grands cabinets dont le capital sera contrôlé par des sociétés étrangères à la sphère juridique, il n’en sera donc que le salarié même si il aura le titre d’associé. Il y a 23 ans, l’auteur du présent article affirmait dans son mémoire d’examen pour l’obtention du certificat d’aptitude à la profession d’avocat que la profession se partagerait entre l’avocat profession libérale et l’avocat fonctionnarisé dépendant de l’aide juridictionnelle. C’est très exactement ce qui s’est passé par le phénomène de la paupérisation de la profession.
S’il existe aujourd’hui une crise du financement de l’aide juridictionnelle, c’est autant en raison de la dégradation de la situation économique de notre pays que par l’augmentation du nombre d’avocats. Il y a tout lieu de penser que l’évolution décrite sera la prochaine étape. Même si nous pouvons regretter cette évolution, nous devons nous y préparer.
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